Une feuille volante inconnue imprimée à Paris en 1487

Bulletin du Bibliophile et du Bibliothecaire (Paris) 1958. 1–7.

Pendant l’été 1957, j’ai eu l’occasion de consulter les feuilles volantes appartenant à la très riche collection d’incunables de la Bibliothèque Nationale de Vienne. A ce propos, je tiens à exprimer ici ma sincère gratitude à Monsieur Franz Unterkircher, chef du Département des manuscrits, d’avoir eu la complaisance de mettre à mon entière disposition ces documents précieux.

Au cours de ces recherches, je suis parvenu à établir les lieux et dates d’impression et le nom de l’imprimeur de plusieurs imprimés qui ne figurent dans aucun ouvrage spécialisé, pas même dans le „Gesamtkatalog der Wiegendrucke”.[1] Parmi les feuilles volantes, imprimées en Allemagne pour la plupart, j’ai trouvé une littera confraternitatis imprimée en 1487, sur vélin.[2] Délivrée par les Frères Mineurs, elle accorde indulgence plénière aux membres de la Confrérie de saint François et de saint Antoine de Padoue, qui, par leurs offrandes, voudront contribuer aux frais d’agrandissement de la partie du couvent des Frères Mineurs de Paris réservée aux clercs pauvres et aux novices. La place réservée au nom du confrère y est laissée en blanc. Cet imprimé ne portant aucune mention de l’atelier d’où il est sorti, nous ne pouvons nous prononcer sur ce point que grâce à un examen approfondi des caractères.

On a utilisé des caractères gothiques de deux grosseurs différentes. Les plus gros caractères se rattachent à celui des alphabets utilisés par l’imprimeur dont le M majuscule est, selon la classification de Haebler, un M33. Ces caractères n’étant pas employés en lignes suivies, on ne peut calculer que de façon approximative la longueur d’un texte de vingt lignes les utilisant: elle serait de 130 à 150 mm.[3]

Aucun M majuscule ne se trouvant malheureusement parmi les moins gros caractères, ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’une classification analogue. La dimension de vingt lignes imprimées avec ces caractères est d’environ 78 mm.

Heureusement, la lettre M33, type français par excellence, n’a pas été utilisée par un très grand nombre d’ateliers. C’est ainsi qu’en procédant par élimination j’ai réussi à établir que cette lettre est sortie de l’atelier parisien de Jean Du Pré.

La description et les reproductions des plus gros caractères se trouvent dans l’excellent ouvrage de A. Claudin,[4] et dans le Catalogue du British Museum.[5] Ce dernier ouvrage précise encore que ces caractères sont identiques à ceux de l’alphabet classé sous n° 6 par Proctor et sous n° 11 par Haebler.[6]

Les moins gros caractères, reproduits par A. Claudin en page 243 du tome Ier de l’ouvrage précisé, sont identiques aux caractères gothiques 83 B, décrits et reproduits par le Catalogue du British Museum[7] et à ceux de l’alphabet n° 19 de Haebler.[8]

A titre de vérification, reste à confronter la dimension des vingt lignes de texte imprimé de notre lettre avec celle communiquée par les ouvrages spécialisés.


Nous venons de dire que la longueur de vingt lignes imprimées avec les plus gros caractères[9] doit être, selon nos calculs approximatifs, de 130 à 150 mm. Or selon le répertoire de Haebler, cette dimension serait de 104 mm. Cette différence, due probablement à une erreur typographique – 104 mm pour 140 mm – n’est pas réelle et par conséquent ne doit nullement infirmer notre identification, confirmée à plus d’un titre.

Quant à la longueur de vingt lignes imprimées avec les moins grands caractères,[10] elle mesure environ 78 mm, dans la feuille volante que nous étudions, comme nous venons de le dire. Cependant, les spécialistes indiquent, pour les mêmes caractères, 83 mm. La solution de ce problème doit être trouvée dans le fait que le vélin, qui est dans un état d’extrême desséchement, a rétréci.

Selon le Catalogue du British Museum,[11] l’utilisation par Du Pré des moins gros caractères est attestée pour les années de 1485 à 1490, celle des plus gros pour 1486. L’utilisation des petits caractères ainsi que celle des gros par Du Pré en 1487 est donc parfaitement admissible.

En haut à gauche et en marge de la lettre se trouve une gravure sur bois rectangulaire disposée verticalement et mesurant 71×15 mm.[12] Les imprimés de Du Pré offrent de nombreux exemples de vignette de ce genre. Dans le répertoire de Haebler, c’est la vignette classée sous la lettre G et mesurant 68 mm de hauteur qui se rapproche le plus de la nôtre.[13]

Cette étroite vignette a trois compartiments. En haut, un U majuscule orné; en-dessous, deux scènes. La scène supérieure représente la stigmatisation de saint François d’Assise; la scène inférieure montre ce même saint distribuant du pain.[14]

Ce décor gravé s’accorde exactement avec ce que nous savons des activités de Du Pré qui est „le premier de nos typographes qui ait introduit la gravure. dans les livres”.[15]

Il est à présumer que ce bois, avec son U majuscule servant d’initiale au texte et avec les scènes tirées de la vie de saint François d’Assise, fondateur de l’ordre des Frères Mineurs, a été exécuté spécialement pour cette lettre.

Nous connaissons très peu de feuilles volantes incunables imprimées en France. Les „Einblattdrucke des XV. Jahrhunderts”[16] n’en signalent que neuf en tout et pour tout. Il est vrai que depuis l’édition de cet ouvrage on en a découvert quelques autres.[17] Leur nombre reste cependant très restreint par rapport à celui des imprimés du même genre exécutés en Allemagne. Il est bien connu que Jean Du Pré a réalisé des feuilles volantes.[18] Selon Claudin,[19] c’est précisément Jean Du Pré qui a imprimé en 1482 la plus ancienne affiche française que nous connaissions. Le „Gesamtkatalog der Wiegendrucke” contredit cependant cette assertion en attribuant la même impression à Guy Marchant.[20]

A part la pièce imprimée par Jean Du Pré que nous venons de faire connaître, il nous est parvenu un certain nombre de lettres promettant l’indulgence en vue de couvrir les frais ďagrandissement du même couvent des Frères Mineurs de Paris, mais sorties ďautres ateliers typographiques. Les deux lettres décrites par les „Einblattdrucke” sous les numéros 376 et 439, cette deuxième enregistrée aussi par le GW sous le numéro 3875, ont été imprimée à Gouda, vers 1490.

Parmi les deux feuillets français découverts par le suédois Isak Collijn dans le fonds de la Bibliothèque de l’Université d’Upsal, au début de ce siècle, le feuillet daté de 1488 est une „littera confraternitatis” quasi totalement identique à la nôtre.[21] Le feuillet est orné d’un bois du même genre que nous venons de décrire; le texte en est identique à celui imprimé par Jean Du Pré, sauf le nom du commissaire d’indulgences: la lettre imprimée par Jean Du Pré est délivrée par „frater Johannes sapientis ordinis minorum sacre theologie professor” tandis que celle découverte et attribuée par Isak Collijn à l’imprimeur lyonnais Janon Careain, l’est par „Nos gardianus magistri et fratres”.

Par la présente communication, nous pensons apporter un complément au fonds d’incunables catalogués par le „Gesamtkatalog der Wiegendrucke” ainsi que par les „Einblattdrucke”. Aussi donnons-nous la description bibliographique précise de notre lettre en allemand, selon la formule adoptée par le „Gesamtkatalog” et les „Einblattdrucke”:

Johannes [Parisiensis]: Bruderschaftsbrief für Mitglieder der Bruderschaft vom hl. Franciscus und Antonius von Padua bei der Minoritenkirche zu Paris für einen Beitrag zu Gunsten der Bauarbeiten am Minoritenkloster, 1487. [Paris: Jean Du Pré, um 1487).        
1 Bl. einseitig bedruckt, 98×140 mm. 26 Z. Typen: 11: 140 G, 19: 83 G. Ein Holzschnitt.
(Voir figure) 
Wien NB.


Ismeretlen egyleveles párizsi nyomtatvány 1487-ből

Az osztrák nemzeti könyvtárban ősnyomtatványtárában található az az egyleveles búcsúlevél, amelyet a párizsi minorita kolostor javára bocsátottak ki 1487-ben. A hártyára készült, kitöltetlen űrlap bal oldalán – a szöveget kezdő betűvel összefüggően – kis fametszet látható, amely a rendalapító Szent Ferencet ábrázolja két kis jelenetben. Ez a körülmény is megerősíti a nyomdászmeghatározást, amely szerint az a párizsi Jean Du Pré. Ő ugyanis előszeretettel díszítette kiadványait. Jelen esetben ehhez a búcsúlevélhez készíttetett ilyet, ami e műfajban kivétel számba megy.


[1] J’étudierai quatre d’entre eux dans le „Gutenberg-Jahrbuch” de 1958.

[2] Wien, Österreichische Nationalbibliothek: Ink. 1. B. 29.

[3] La dimension de vingt lignes imprimées est un critère indispensable à la classification des caractères.

[4] Claudin, Anatole: Histoire de l’imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle. I–IV. Paris 1900–1914. I. 228, 231.

[5] Catalogue of books printed in the XVth century now in the British Museum (BMC). VIII. London 1949. 32, planche IV.

[6] Haebler, Konrad: Typenrepertorium der Wiegendrucke. I–V. Halle/Saale 1905–1924. II. 280.

[7] Catalogue of books printed in the XVth century now in the British Museum (BMC). VIII. London 1949. 32, planche V.

[8] Haebler, Konrad: Typenrepertorium der Wiegendrucke. I–V. Halle/Saale 1905–1924. II. 280.

[9] Alphabet n° 11 de Haebler, Konrad: Typenrepertorium der Wiegendrucke. I–V. Halle/Saale 1905–1924. II. 280.

[10] Alphabet n° 19 de Haebler, Konrad: Typenrepertorium der Wiegendrucke. I–V. Halle/Saale 1905–1924. II. 280.

[11] Catalogue of books printed in the XVth century now in the British Museum (BMC). VIII. London 1949. 32.

[12] Le format original devait être de 75×16 mm, étant donné le rétrécissement du vélin.

[13] Haebler, Konrad: Typenrepertorium der Wiegendrucke. I–V. Halle/Saale 1905–1924. II. 281.

[14] Künstle, Karl: Ikonographie der Heiligen. Freiburg i. B. 1926. 237–254.

[15] Claudin, Anatole: Histoire de l’imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle. I–IV. Paris 1900–1914. II. 209.

[16] Einblattdrucke des XV. Jahrhunderts. Halle/Saale 1914.

[17] GW 104, 109/10.

[18] GW 105. – Einblattdrucke des XV. Jahrhunderts. Halle/Saale 1914. 1075.

[19] Claudin, Anatole: Histoire de l’imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle. I–IV. Paris 1900–1914. I. 222.

[20] GW 107. – Einblattdrucke des XV. Jahrhunderts. Halle/Saale 1914. 1076.

[21] Collijn, Isak: Deux feuillets français inconnus de XVe siècle, appartenant à la Bibliothèque royale de l’Université d’Upsala. Le Bibliographe Moderne 10. (1906) 332– 338; cette lettre se trouve répertoirée sous le n° 961 par le Katalog der Inkunabeln der Universitätsbibliothek zu Uppsala. Uppsala 1907, sous le n° 59 par les Einblattdrucke des XV. Jahrhunderts. Halle/Saale 1914, et sous le n° 5575 par le GW.




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